Je revois mes livres posés comme des fantômes sur l’étagère et je m’aperçois que je suis obsédée par l’école, par les maîtres, les maîtresses et tout ce qui va avec.
« Pourquoi vous écrivez toujours sur l’école ? » me demande-t-on.
« Parce que les enfants passent beaucoup de temps à l’école et je parle des enfants. » Je réponds en sachant que ce n’est pas la vraie réponse, même si c’est vrai. Je raisonne comme mon narrateur dans la série « Alibi » :
« Il y a 168 heures dans une semaine. Si on dort, disons 70 heures, ça laisse 98 heures pour vivre éveillé. Si on va à l’école 34 de ces 98 heures, ça nous donne 64 heures pour vivre tout court. Et si on passe la moitié de ces quelques heures qui nous restent à penser à faire ses devoirs, et éventuellement à les faire, on n’a plus que 16,6 % de cette même semaine pour nous, sans compter les trajets aller et retour à l’école. »
Je pourrais aussi dire que même Harry Potter est à l’école, mais si J.K. Rowling a choisi d’inventer une école de magie, je reste très terre à terre préférant la magie qui surgit de la routine des journées ordinaires et des vies de tout le monde. J’aime créer des magiciens qui s’appellent « instituteurs ».
Ce n’est pas un secret que le métier d’Instituteur est le travail le plus important sur terre et le plus urgent. C’est le seul boulot qui puisse sauver le monde.
William dans « Trois jours sans » dit :
« Mlle Février est debout en train de pleurnicher sa chanson préférée : “Vous voulez devenir des bofs ? Réagissez !” Elle aussi a vu le film sur les poètes disparus. Elle aimerait être un prof comme l’acteur Robin Williams. Elle en a la volonté mais pas le talent. Ce n’est pas donné à tout le monde. Un jour on va se rendre compte qu’un bon prof est avant tout un virtuose. On va les former dans des conservatoires. On va leur donner des cachets de maestros. On va les couver, les chouchouter. On va les apprécier, les encourager, les conserver. Février pleine de toutes ses intentions hurle : “Vous êtes des mort-nés. PARLEZ ! DITES QUELQUE CHOSE ! WILLIAM !”
Quand je suis arrivée en France, petite Américaine moyenne, je pensais que je n’étais pas trop mal tombée dans ce pays où on mange bien, on boit bien, où la mer étincelle le long de l’horizon, un pays démocratique où le bien-être social est incomparable (jusqu’à nouvel ordre). Je rassurais ma mère en disant “Ca aurait pu être pire !”
Il y avait juste un petit détail qui prenait de plus en plus de place : l’école ! J’amenais mon tout petit bébé, à peine trois ans, à l’école et sur le seuil de cette institution imposante j’ai entendu un autre parent dire à son tout petit bébé : “Travaille bien !” Quoi ? Quel travail ? Est-ce que je portais mon bébé au seuil d’un camp de travail ? Nous, enfants amerloques, on allait à l’école allègrement avec une batte de baseball et une raquette de tennis où on passait nos journées à nous amuser comme au “Club Méd.”, où l’on apprenait strictement rien, mais dans la joie. J’hésitais à abandonner mon enfant nouvellement venu au monde à ces tortionnaires qui allaient le faire TRAVAILLER à trois ans. Voici comment ces sentiments entrent dans mes livres : (« Un papa au piquet »).